La ZAD, un dessein en plans

Par Quentin Girard, Libération
Du 23 novembre 2018


Article à retrouver ici

 

Un livre de photos et d’architecture sur Notre-Dame-des-Landes s’attache à illustrer la logique des constructions dans la zone à défendre.

L’objet est hybride, comme les auteurs qui y ont participé. A la fois livre de photos, d’architecture et manifeste, Notre-Dame-des-Landes ou le métier de vivre, aux éditions Loco, se veut une tentative de saisir, à travers son urbanisme, cet espace de résistance si particulier. «Sur la ZAD, on occupe, on habite, on expérimente, on démontre, explique en introduction l’architecte et scénographe Patrick Bouchain. On a une hypothèse, on passe à l’acte et après on gère. […] C’est toute la démocratie qui est exprimée là.» Accompagné de Christophe Laurens et d’une vingtaine d’étudiants, ils se sont mis en tête, en mars 2016, de passer une semaine là-bas pour «décrire cette expérience qui la compose et les pratiques qui la soutiennent. Il s’agissait en quelque sorte d’essayer de saisir l’écologie habitante de ce territoire par la matérialité de ses constructions».

Les dessins, professionnels, comme on consulterait un plan d’une maison avant de l’acheter, insistent sur la logique des constructions là où, en apparence, on ne perçoit que des machins en bois de bric et de broc. On découvre le «Haut-Fay», un hangar-université populaire organisé en étoile avec un grand dortoir pour héberger une trentaine de personnes. Ou la «Riotère», petite maison d’agriculteurs à la recherche de l’autonomie alimentaire et énergétique, éclairée par des panneaux photovoltaïques et où sont cultivés des pois, des courges, du maïs, de la rhubarbe. Le «maquis», de son côté, met en scène deux cabanes construites côte à côte reliées par une salle commune et une chambre pour les visiteurs avec cette idée, logique, que s’il est nécessaire de développer des espaces ensemble pour construire un collectif fort, chacun doit avoir aussi son «lieu de retrait absolu». Autre exemple : la «Noue non plus», une bicoque qui «s’accorde au rythme des arbres ; elle vit, bouge et évolue au fil des saisons». De notre côté, on a un petit coup de cœur, forcément, pour «la cabane sur l’eau», une cahute inhabitée au centre d’un étang, accessible par une barque unique et où il est possible de se rendre seul, à deux, où à plusieurs pour des journées d’amour romantiques.

Chaque lieu permet de découvrir une autre manière de vivre, dans ses applications concrètes, au-delà des utopies. Un recensement d’autant plus important que certains de ces endroits ont été depuis détruits avec l’évacuation de Notre-Dame-des-Landes, en avril. L’ensemble pourrait être un peu froid s’il n’y avait pas les cahiers photos de Cyrille Weiner. Le photographe a arpenté les chemins (souvent humides et boueux) de la ZAD pour, à travers son médium, en saisir lui aussi l’essence. Son travail dégage une poésie douce et pastorale, comme cette photo du «Phare», point d’observation habité enlacé à la haie. Il reste l’impression qu’ici s’était joué quelque chose de particulier entre les hommes et la nature. Et, déjà, des regrets.

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